Au lit, au moyen âge, on ne souffre pas de solitude

Le lit est aussi un espace de vie. Le jour, assis, on y reçoit, écrit, discute. Et la nuit, on peut y accueillir les hôtes de passage…

À la campagne

Il faut dire qu’à la campagne, après une journée commencée au lever du jour et terminée après une veillée, quand on s’allonge, on dort. Où ? Dans un même lit, sur un « matelas » bourré de paille ou parfois de plumes, de crins de chevaux… Sur le dos ou de côté, pas sur le ventre (c’est mauvais pour la santé, disait-on). La tête coiffée d’un bonnet sur un oreiller, pour lutter contre le froid de la pièce. Et, nu, entre des draps en chanvre ou en toile, sous une ou plusieurs couvertures de laine.

Dans les auberges, des pèlerins et des marchands dorment ensemble, sur une même couche, reposant sur un châlit.

À l’hospice ou dans une maison-dieu, pas plus d’intimité.

Ça fait jaser, mais moins qu’en ville.

Ah ! les lits dans les villes… c’est autrement plus joyeux

Les habitations sont exiguës, les façades étroites, et la chambre petite , avec un large lit pour la famille. Mais ça, c’est la maison du peuple… Dans les hostels des grands bourgeois, notables ou nobles, au XIVe, la chambre a pris de l’importance, et cela s’accentuera encore plus au XVe siècle.
Le lit représente d’ailleurs un meuble précieux, présent dans les testaments.

Dans leur lit surélevé, sur un matelas de laine, entre deux draps en lin, la tête sur des oreillers, les Bien nés dorment, sous des couvertures dont une en fourrure, allongés ou assis selon les époques ou les occasions, précise-t-on de nos jours.

Mais pas seulement.
Vers la fin du moyen âge, dans cette pièce, on reçoit ses gens, on traite des affaires, on mange… Et le maistre invite aussi l’hôte de passage dans son lit…  avec son épouse.

Trois corps nus sous des draps…

Dans la littérature et les églises, les artistes s’amusent

L’épouse serrée entre deux mâles nus… Il n’en faut pas plus pour titiller l’esprit de nos jongleurs, et les fabliaux nous content bien des histoires coquines. Quant aux sculpteurs, ils « parlent » tout autant des conflits conjugaux concernant « les braies et le lit ». Prenez donc le temps de les détailler, en visitant les sanctuaires.

Punaise de lit, bestiole de compagnie

En France, des écrits du XIIIe siècle la mentionnent, mais elle a dû exister bien avant. Et même dans le lit des rois. En fait, ces petites bêtes grouillaient. C’était comme ça, Ça faisait partie de leur vie.

Vindieu ! rester au lit pendant quarante jours.

C’est le droit de la femme, jugée impure après un accouchement. Puis, après cette quarantaine, la première fois qu’elle se rend à l’église, le prêtre célèbre la messe des relevailles. Suivie bien sûr d’un copieux festin… et d’une nuit peut-être troublée par tant de nourriture et de vin :

Rêves, cauchemars et insomnies

Au moyen âge, on décrit déjà les rêves « qui reposent, de ceux qui inquiètent ». Pour ces derniers, les médecins mettent en cause une alimentation trop lourde ou l’ingestion de lentilles ou de fèves… alors que d’autres incriminent aussitôt l’influence du diable.

Pour les « nuits sans sommeil », ces savants utilisent surtout les plantes, citées par exemple par Pline l’Ancien, Dioscoride… et celles inscrites dans l’Antidotaire Nicolas, codex – obligatoire à partir de 1322 – des apothicaires. Parmi les remèdes, viennent en tête la mandragore et le pavot à opium dans diverses préparations, puis une panoplie de végétaux comme la valériane, la mélisse, la verveine, etc. Sans oublier le vin nouveau, le bon vin qui fait dormir, vivement conseillé avant d’aller au lit. (1)

Pour la noblesse, un musicien est demandé : sa mélodie apaise Sa Seigneurie

Même un malade n’est jamais seul

Amis, famille, notaire, soignant, prêtre… devisent et tournent autour du lit.

 

 

(1) nous parlerons des plantes médicinales, dans une autre chronique. Il faut bien que je justifie mon diplôme de pharmacien :-)).

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14 commentaires

  1. Bonjour et Merci beaucoup pour ce magnifique ce texte sur le lit au Moyen Âge, très instructif et passionnant !
    Félicitations !

  2. Merci pour ce texte et les enluminures, Sylvie!
    J’avais lu quelque part que les lits étaient courts pour dormir semi-allongé de crainte que la mort ne profite de la position « allongé » pour se saisir du vif. Vrai?

    • Depuis des années, on entend les guides des musées répéter : ils dorment assis parce qu’ils ont peur de la mort, ou pour une meilleure digestion, ou parce que le lit est court. On retrouve ces mêmes affirmations dans des ouvrages. Cependant, des médiévistes ont décidé d’en avoir le cœur net en ce qui concerne la longueur des lits.Ils sont allés dans des musées avec leur mètre : les lits sont de même longueur que les nôtres. Il faut donc toujours avoir un mètre sur soi quand on visite un habitation médiévale.
      Maintenant assis ou allongé ? La majorité des reproductions les représentent allongés. Sur celles où les personnages sont assis, beaucoup ont les yeux ouverts, et quand on sait qu’ils recevaient dans leur lit, il n’est pas étonnant de les voir assis. Par contre, à la renaissance ( période que je n’ai pas étudiée, donc à vérifier ce qui suit), on trouverait plus volontiers des dormeurs assis ou semi-allongés
      En ce qui concerne le moyen age, pour répondre à la question : assis ou allongé : j’oserai résumer cela dépend de la situation et peut être de de l’époque (le moyen age, c’est 1000 ans)

  3. Bravo pour ces precisions sur la fin du moyen age qui sont loin de nos coutumes comtemporaines …pour le commun des mortels….bonne soirée

  4. Sujet passionnant que le lit au Moyen-Age. Grâce à vous on en sait plus sur ce sujet délicat.
    Dans les lits des demeures bourgeoises, souvent fermés par un baldaquin et des rideaux, il doit faire plus chaud que dans la chambre.

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