À l’origine, le jeu d’échecs est un jeu guerrier, mais au moyen âge, l’Église s’en mêle… Et bientôt, apparaissent les Échecs amoureux. Était-ce un jeu coquin ?

Jeu guerrier que condamne l’Église

À la fin du Xe siècle, le jeu d’échecs d’origine indienne est transmis à l’Occident par les Arabes. On y voit alors deux armées, l’une rouge, l’autre noire ou verte, s’affronter sur un plateau de soixante-quatre cases. Les figurines représentent des chars, une cavalerie et des éléphants. Des paris s’engagent, et on lance des dés pour faire avancer les pièces. Quand un des rois ne peut plus se déplacer, il est vaincu.

En 1061, le pape reçoit une lettre d’un cardinal scandalisé : l’évêque de Florence joue à ce jeu ! Pour sa défense, le prélat rappelle que seuls les jeux de dés et de hasard sont condamnés, et lui n’utilise pas de dés.

L’Église interdit ce divertissement de hasard et d’argent.

Peuple et aristocrates désobéissent

Les échecs, avec dés et paris, se développent et distraient toutes les classes sociales. Les fouilles archéologiques en ont d’ailleurs souvent trouvé dans les châteaux d’Europe.

Par contre, dans les tavernes, ces parties peuvent finir par des bagarres, voire un meurtre.

Et la légende

Devant le siège de Jérusalem, des croisés combattent avec acharnement…  mais sur un échiquier. Puis, ils emportent le jeu sur le bateau de retour. Furieux, Saint Louis jette celui de ses compagnons par-dessus bord.

Un évêque s’installe dans le jeu

Petit à petit, les échecs « s’occidentalisent » : l’échiquier représente alors une ville, les pions subsistent, mais le shah devient le roi, l’éléphant, un évêque ; le cavalier, un chevalier, le char, une tour, et, oh ! surprise, une femme apparaît : la reine remplace le vizir et l’échiquier symbolise la société médiévale.

Et maintenant, deux cours, et non deux armées, s’affrontent (2).

L’église autorise alors les échecs « sans dés, pour le seul amusement, et sans espoir de gain ».

La papauté s’en mêle

Devant la popularité croissante du jeu, les ecclésiastiques entreprennent sa moralisation sous la forme de traités. Plusieurs ouvrages naissent. L’un d’entre eux proviendrait du Pape Innocent III : « Le plateau quadrillé noir et blanc désigne la vie et la mort, dit-il, la bonté et le péché… »

Le dominicain Jacques de Cessoles se met à prêcher en s’inspirant du jeu d’échecs, puis le prend comme support allégorique et rédige le « Livre des mœurs des hommes et les devoirs des nobles à travers le jeu d’échecs » ou « Les Échecs  moralisés ».

Désormais, le jeu représente une société idéale dans laquelle chaque pièce désigne un métier.

Grand succès des ouvrages. Des copies et traductions suivent.

Les Échecs amoureux

Maître régent et médecin, Évrart de Conty rédige un texte allégorique en vers : les « Échecs amoureux », puis en prose, son commentaire, les Échecs amoureux moralisés, livre d’éducation princière, encyclopédique et mythologique, mais aussi manuel de jeu d’échecs. Il comporte 24 miniatures étonnantes, dites « frappantes ».

Chaque case de l’échiquier porte le nom d’une vertu (Noblesse, Pitié, Jeunesse, Beauté), d’une qualité (Doux regard, Bel accueil, Beau maintien) ou d’un vice (Honte, Fausseté). Au terme de sa quête, l’homme rencontre une demoiselle avec laquelle il dispute une partie. Théâtre amoureux où les pouvoirs des deux sexes entrent en compétition.

Les échecs thésaurisés

Les pièces dites « de Charlemagne » (3) sont des objets d’art, trop imposants pour être manipulés sur un plateau de jeu. Les seigneurs laïques ou ecclésiastiques de l’époque féodale doivent en posséder. Elles se retrouvent alors avec leur trésor de reliques, or, pierres précieuses, bijoux, armes, fourrure…

photo  : Piéton, pièce échecs de Charlemagne, Crédit : Bnf

 

NOTES :

(1) C’est un jeu oriental, né en Inde, transformé en Perse, remodelé par la civilisation arabe.
(2) Les règles changeront à la renaissance. La tactique apparaît au XVIIe, et le jeu actuel au XIXe.
(3) Charlemagne n’a pas pu connaître ce jeu, introduit en France deux siècles plus tard.

 

POUR LES PASSIONNÉS :

Pendant le VIe siècle, le chaturanga, jeu de quatre rois, distrait l’inde. Puis ce jeu indien évolue et passe en perse sous le nom de shatrandj, l’ancêtre de notre jeu d’échecs. Les Arabes le découvrent en conquérant la Perse, mais les pièces musulmanes ne seront pas figuratives, c’est interdit, sauf chez les chiites.

 

SOURCE

Bibliothèque Nationale de France

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