1er mai, jour de vérité aux portes des maisons

Au moyen-âge et à la renaissance, le peuple, comme la noblesse, part en forêt pour couper le May et célèbrer le 1er mai. Mais les filles tremblent… et la basoche se déchaîne.

Couper le May (1)

Dès le XIIIe, dans la nuit du 30 avril, une compagnie d’hommes coupent le May, une branche feuillue, la rapportent en grande cérémonie, puis la plantent en une place bien visible et fréquentée. Le May sera ou non décoré de boules rouges, de guirlandes ou de coquilles d’œuf. Le lendemain au soir,  tous danseront autour de lui.

Mais  à l’aube, le 1er mai, un défilé de célibataires « esmayent » déjà dans le village, c’est-à-dire couronnent de rameaux verts enlacés, enrubannés ou non, la porte des jouvencelles. Car elles leur ont soufflé : « On ne me prend point sans verd »
Mais, ces damoiselles tremblent…

Oh, non !… Pas le sureau !

Le May déposé traduit le sentiment du jeune homme, car chaque essence a une signification. Prendre tel ou tel bois dévoile la pensée, le désir ou le rejet du gars. Le sureau, par exemple, pue et symbolise le mépris pour une fillasse jugée de mauvaise vie.

« Il chemine vite, longe les haies blanches d’aubépines et de prunelliers (…). Les garçons coupent déjà les rameaux qu’ils déposeront aux portes des filles. L’aubépine a des pouvoirs, lui a appris Émeline : elle apaise les cœurs souffrants, conjure les sorts, dévoile l’amour… » (extrait du Cercle du Treize)

La noblesse « feuillue »

Les frères Limbourg, peintres du début du XVe siècle, représentent la fête du 1er mai dans  « les très riches heures du Duc de Berry ». Comme ci-dessous, la noblesse ornée de couronnes et de colliers de feuillages qui revient de la forêt.

Crédit : Limbourg brothers, Public domain, via Wikimedia Commons

La montre de la basoche

La basoche (2), communauté des clercs du Palais, du Châtelet et de la chambre des Comptes, exerce une puissance au sein même de la cour royale. Cette institution a son roi, son chancelier, quelques succursales en province et des privilèges. Non seulement, elle jouit de ces honneurs et du titre de « royaume de la basoche », octroyés par Philippe le Bel, mais elle signe ses jugements : « La basoche régnante et triomphante ».

Le trente avril, la compagnie part joyeusement dans le bois de Vincennes extirper son May pour le planter dans la cour même du Palais. (3) Des amusements « bruyants et peu convenables » suivront.

Au XVIe siècle, Henri II leur donne le droit de couper leur May dans son bois de « Bondies ». Et voilà qu’une vingtaine de basochiens reviennent avec trois chênes : le May, et les deux autres pour leur profit.
Leur fête, devenue « la montre de la basoche », reste la plus tapageuse de toutes celles du premier mai. (4)

Que des fiançailles !

En mai, les hommes louent les mérites de leurs aimées par le biais du May, mais point d’épousailles en ce mois, dit-on. Par superstition :
En Vendée, par exemple, « lorsqu’on se marie en mai, les grossesses ne réussissent pas, ou si elles viennent bien, les enfants sont morveux », tandis qu’au Berry, ils sont imbéciles ou idiots.

Horae ad usum Romanum, dites Grandes Heures d’Anne de Bretagne / crédit : BNF

Et l’Église ?

Elle lutte, mais en vain, contre cette fête populaire et païenne. Et même si déjà au XIVe, le dominicain Henri Suso orne,  le premier mai, les statues de Marie de  fleurs, l’Église ne réussira à christianiser ce jour qu’ à la fi du XVIe. Alors, mai deviendra le mois de Marie.

NOTES

(1) la définition du May dans le dictionnaire du moyen français est : branches vertes ou mois de mai

(2) Basoche est d’abord une église ou une basilique, puis au moyen âge, l’ensemble des clercs de la cour de justice, du Châtelet et de la chambre des Comptes. Une des plus puissantes associations médiévales que le roi redoutait.
(3) De nos jours, la cour du Palais de justice à Paris s’appelle : la cour du Mai.
(4) une montre, dans ce contexte, est une revue. Chaque corporation possède la sienne. Et elle déambule avec ses bannières et insignes, la statue de leur saint patron en tête.

EN MOYEN FRANÇAIS, POUR SOURIRE

« Messire Hector, bastard de Bourbon, manda à ceux de Compiengne que, le premier jour de may, les yroit esmayer ; laquelle chose il fist, monta à cheval (…) et en compaignie de deux cens hommes (…), chascun ung chapeau de may sur leurs testes (…) et une grant branche de may, pour les esmayer, ainsi que promis l’avoient. » Le Fevre, chroniques, I, 160, Soc.de l’histoire de France.

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Crédit photo d’illustration : Gerard Horenbout, Alexander et Simon Bening, Public domain, via Wikimedia Commons

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