Prédit-on le futur au moyen âge ?

On enseigne l’astrologie à l’université… Le zodiaque orne les tympans de certains édifices religieux… Cependant, la divination est formellement interdite par l’Église…

Dans l’Antiquité

Dans l’Antiquité, la divination appartient au système politique romain : aucune action n’est engagée sans l’avis des dieux. À chaque étape d’une campagne militaire, avant une entrevue, un événement politique, on interroge les dieux. Chaque empereur a son devin. Mais, au IIIe siècle, le procès des astrologues commence : on les accuse de faciliter la tâche aux usurpateurs…

Je ne dis pas ce que je suis

Dès le IVe siècle, le christianisme interdit la divination, la condamne. Saint Augustin la rejette comme une superstition des croyances et des religions de l’Antiquité. Cependant, elle continue d’exister, mais très discrètement. Personne ne s’en vante, à cause des sanctions. Et les devins interprètent les présages tirés soit des phénomènes naturels (tonnerre, éclipse, conjonction de planètes, éruption volcanique…) soit des catastrophes climatiques.

La comète, signe divin

Ainsi au XIVe siècle,les devins avaient prédit un grand malheur à venir, en observant la trajectoire d’une comète dans le ciel de Paris. L’année suivante, en 1348, la peste entre à Marseille et se propage très vite, tuant au passage hommes, femmes et enfants. N’est-ce pas une preuve du courroux de Dieu ?

Par contre, les étoiles filantes ne sont que des âmes qui s’envolent vers le paradis

L’astrologie à l’Université

Aux XII et XIIIe siècles, malgré les censures et les condamnations, les connaissances scientifiques et les pensées arabo-musulmanes envahissent les universités (1).

 

« Le franciscain Roger Bacon explique alors au pape la nécessité théorique et l’utilité pratique de l’astrologie » (2). Elle sera enseignée comme une partie des mathématiques.

On a dit : « pas de divination ! »

En fait, l’astrologie médiévale est à la fois une science mathématique (qu’on appelle de nos jours astronomie) et un art divinatoire : divination par l’observation du feu, de l’eau, de l’air, de la terre, ou bien en évoquant les morts (3). On attendait de la divination une révélation sur la conduite à tenir ou sur celle de l’existence (4).

En 1270, l’évêque de Paris, Étienne Tempier, condamne treize propositions, dont celle affirmant que « tout ce qui se produit ici-bas est soumis à la nécessité des astres ». Et vers le XIVe, le célèbre « astrologue » et mathématicien Nicole Oresme lance des invectives contre la divination, science occulte qu’il distingue de l’astrologie.

Mais à cette époque, l’astrologie n’est pas un métier

L’astrologue est d’abord médecin

L’équivalent du baccalauréat en poche, après 7 ans d’études [dont l’astrologie], « l’escolier » a le choix entre trois facultés : théologie, droit canon et médecine. Il est donc commun qu’un médecin se pare aussi des titres d’astrologue et de mathématicien.

Au bas moyen âge (5), l’astrologie n’est pas une science occulte. Elle est rationnelle pour l’époque. Les astrologues-mathématiciens utilisent de savants calculs pour expliquer d’une part leur système géocentrique où les astres tournent autour de la terre, d’autre part leur chaîne de relations, de correspondance entre tout ce qui compose l’univers.

Et le zodiaque [6], alors ?

le zodiaque médiéval

Le zodiaque médiéval n’a rien d’ésotérique. C’est une représentation des notions abstraites de l’espace et du temps. Seuls, les préjugés l’ont lié à l’art divinatoire.

Aux XII et XIIIe siècles, les médiévaux associent aux douze signes zodiacaux, leurs douze activités mensuelles, reliant ainsi les hommes et la terre au ciel.

Le zodiaque médiéval exprime la manière de concevoir et de penser le monde à cette époque.

On peut encore admirer des zodiaques soit sur le tympan de certaines églises [au Vézelay par exemple], soit à l’intérieur de l’édifice.

Prédire sa sortie du purgatoire

purgatoire . Les Très Riches Heures du duc de Berry.©Photo. R.M.N. / R.-G. OjŽda

Aux XII et XIIIe siècles, existent des manuels de comptabilité. Et comme calculer c’est prévoir, les médiévaux font des additions pour déterminer leur temps de passage par le purgatoire. Ils tiennent compte des péchés et des mérites , des indulgences gagnées, des messes et des aumônes que les proches effectueront …

Si l’église oriente les fidèles vers l’avenir spirituel, vers le salut éternel, elle doit cependant affronter la concurrence des prophètes de l’Apocalypse, des devins et des nouvelles mouvances…

À chacun, sa vision de l’avenir…


Saint Augustin, La Cité de Dieu. Trad. Raoul de Presles. Miniature du Maître de L’Échevinage. Rouen, troisième tiers du XVe siècle. Manuscrit sur vélin, avec miniatures et lettres ornées (47 x 34,5 cm)
BNF, Manuscrits, français 28, f. 66v

 

NOTES

(1) L’université au moyen âge n’est pas une faculté, mais une communauté d’étudiants [escoliers] et d’enseignants.

(2) écrit dans sa lettre dédicace de son Œuvre majeur [Opus maius], « Penser au Moyen Âge » d’Alain de Libera.

[3] c’est respectivement : la pyromancie, hydromancie, aéromancie, géomancie et nécromancie. [Mancie = divination].

(4) « Penser au Moyen Âge » d’Alain de Libera.

(5) Bas moyen âge ou moyen âge tardif = XIV-XVè siècles

[6] Les 12 figures zodiacales ont été fixées au Ve siècle avant notre ère.

(7) la notion de purgatoire date du XIIe

 

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