Au moyen âge, comment se procure-t-on de l’argent ?

La société est principalement rurale, et l’homme de la campagne, surtout le paysan, recherche des liquidités, nécessaires pour ses besoins… Mais comment en trouver ?

L’usure est péché

Si la Bible a interdit le prêt à intérêt, Charlemagne le rappelle et le condamne à son tour. Un capitulaire va même le définir :  « c’est demander plus que ce qui a été reçu ».
Puis, au XIIe siècle, on assimile l’usure à un vol. Comme le septième commandement dit : « Tu ne commettras pas de vol ». Le prêt à intérêt est vraiment défendu.
Mais qui s’en soucie ?

Vivre à crédit

Le commerce se développe, mais la monnaie reste une denrée rare. Alors, les prêteurs (1) s’installent et exigent un intérêt élevé. Or, les entreprises, expéditions, guerres… nécessitent beaucoup d’argent.  Pas d’hésitation, toutes les classes sociales empruntent.

Mais la paysannerie s’endette plus que les autres : la vente de leurs produits ne leur rapporte pas assez d’espèces. Ainsi les ruraux se procurent de  l’argent comptant contre une garantie, une rente perpétuelle sur sa terre ou sur  une hypothèque…

Le paysan-artisan

Psalter (‘The Luttrell Psalter’) with calendar and additional material
Crédit : British Library

À la campagne, au début du XIVe, un foyer sur quatre dispose d’un attelage. Les autres labourent à bras. Pour beaucoup d’entre eux,  l’exploitation, souvent modeste, ne leur permet pas d’en vivre. De plus, la famille doit posséder de l’argent pour faire aiguiser, réparer ses outils, pour les interventions d’un charpentier, d’un maçon… pour les futures obligations : dot des filles, repas de noces, distribution de nourriture lors des obsèques… sans parler des taxes et impôts de plus en plus payés en monnaie depuis le XIIe.

Alors pendant les longues soirées d’hiver, ils deviennent artisans et fabriquent divers objets en vannerie, poterie, bois…, selon leur compétence. Plus tard, ils iront  les vendre au marché, en plus de leurs produits de la ferme (œufs, légumes, miel…), ou de cueillette : plantes tinctoriales, champignons et baies sauvages…

Thomas III de Saluces, Le Chevalier errant, France (Paris), vers 1400-1405
Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 12559, fol. 167
Crédit : BNF

Le bétail sur pied et la laine rapportent mieux, mais tous ne sont pas éleveurs.

Accumuler les métiers

Dans la nécessité, le paysan travaille encore plus :
— il loue ses bras sur des exploitations de seigneurs, bourgeois ou notables.
— Ou bien entre deux obligations agricoles, labours, semailles, fenaison…, il devient charpentier, maçon, potier, sabotier…
Pluriactivité pour vivre ou survivre.

Des commandes ! Des commandes !

Aux XIVe et XVe, le travail à façon se développe dans certaines régions, grâce à des marchands urbains. Alors, dans ces campagnes, l’agriculture et l’artisanat textile se mêlent. Et un métier à tisser ou un rouet dans une maison devient fréquent. On pourrait parler d’une petite fabrication rurale et saisonnière, pour des marchés extérieurs à la région de production.

Paysans-mineurs ou pêcheurs

Dans les vallées de montagne, les ruraux exploitent aussi les ressources de leur environnement. Par exemple, les minerais. Et dès le XIVe, des familles de paysans-mineurs finissent par acquérir leurs propres puits.

Jusqu’au XVe, le long des côtes où la pêche au large reste discrète, des paysans sortent leur barque et prennent le poisson. En Bretagne, les gens du littoral s’intéressent, comme les seigneurs, à la récupération d’épaves.

Paysans-entrepreneurs, transporteurs ou guides

Certains paysans n’hésitent pas à confier l’exploitation de leurs terres à leurs femmes et à leurs enfants quand des occasions prometteuses se présentent.
D’autres, avec mules ou charrette, attendent des marchands au bord des principales routes commerciales. Ils leur proposent de prendre en charge leurs marchandises sur quelques dizaines de kilomètres.

Au pied des grands cols, des communautés de paysans montagnardes ont mis en place un service précieux aux voyageurs. Les uns deviennent guides, les autres, muletiers.
Le trafic est juteux.

En conclusion

La vie du paysan ne se résume donc pas aux travaux agricoles et aux nombreuses fêtes du calendrier. Elle est complexe, et il doit posséder un pécule qu’il soit « manouvrier » (2), fermier, cultivateur, vigneron, éleveur ou autre.

 

Paysans ramassant le blé : Medieval illustration of men harvesting wheat with reaping-hooks, on a calendar page for August. From the Queen Mary’s Psalter – British Library MS Royal 2. B. VII fol. 78v

NOTES

(1)  En plus des juifs ( non soumis aux lois de l’Église) qui sont à plusieurs reprises expulsés de France ou exterminés et des Lombards décriés, les prêteurs sont de riches bourgeois, magistrats et marchands chrétiens qui contournent  judicieusement l’interdit : ils se servent du mort-gage (a), de la lettre de change ou d’astuces diverses. À cette époque, d’illustres familles parisiennes se sont enrichies par le change.

(a) Mort-gage = Procédé de crédit suivant lequel un emprunteur engage un de ses biens à un créancier qui en perçoit les fruits faisant office d’intérêt de la créance, mais ne venant pas en déduction de la dette (définition du CNRTL)

(2) Ouvrier employé à de gros travaux, notamment dans l’agriculture.

Crédit photo d’illustration : Cocharelli, Treatise on the Seven Vices / British Library

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