Comment vit-on en ville au Moyen Âge ?

Nouvel espace de vie à la fin du Xe , le bourg impose une manière inédite de se loger et de vivre. Une forte population commerçante court s’y installer et forme bientôt une classe influente, la bourgeoisie.

Qu’est-ce qu’une ville au Moyen Âge ?

Jusqu’à la fin du Xe, la société médiévale est principalement rurale. Puis, l’augmentation de la population et l’essor économique l’obligent à s’adapter. Le bâti s’étend et de nombreux marchands et artisans  s’entassent pour répondre à une forte demande. Ainsi, une activité et une classe sociale  naissent dans  la ville : le commerce et les bourgeois (1).

Au XIIIe, deux gros centres urbains se distinguent : l’Italie du Nord et la Flandre du Nord. La ville se distingue en devenant un lieu de pouvoirs politique, économique et culturel.

La maison de ville

À chaque classe sociale, son type de logis.

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En pierre de taille, pour les plus nantis avec de vastes façades sculptées, ornées de façon ostentatoire,  et donnant sur, ou à proximité de, la grand-place. Ces ostels (2) dominent en hauteur et  en largeur les diverses habitations.

En pans de bois, pour la majorité du « commun », le peuple des villes. Ces maisons à étages avec encorbellements sont étriquées et collées les unes aux autres. Elles partent de la rue et se terminent à l’arrière par une cour ou un jardinet.

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Aux étages, l’espace privé et l’accumulation d’objets. Au rez-de-chaussée ouvrant sur la rue, l’atelier et la boutique.

La promiscuité, qui découle de ce bâti, crée des problèmes de voisinage et provoque des volées de jurons, mais garantit aussi une protection et une solidarité.

L’artisanat se développe

De part et d’autre des rues de grand passage, s’installe une enfilade  d’ateliers et de boutiques signalés par des enseignes, qui servent également de repères.

Nouveauté de la ville :  les artisans s’affairent à la vue des passants, et vendent à leurs fenêtres. Et cela, dans le but d’un contrôle de la qualité de leurs produits et d’éviter les contrefaçons ou les tromperies sur la marchandise. Tous se surveillent. En cas de transgression, la sanction est lourde.

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Mais les citadins ne s’installent pas n’importe où. D’une part, ils se regroupent par métiers : drapiers, couteliers… D’autre part,  les pollueurs (teinturiers [3], tanneurs…) doivent travailler en aval d’une rivière : histoire de ne pas souiller les viviers ou l’eau des puits. Les bouchers, aux portes de la ville…

Aux artisans médiévaux hyper spécialisés s’opposent les marchands qui vendent de tout.(4)

La rue et l’enceinte

La rue commerçante est un lieu de vie  et de communication. Femmes, hommes et enfants s’y retrouvent dans un vacarme constant  (5) jusqu’au coucher du soleil.  À cet instant, le travail doit cesser . C’est un ordre. Gare aux tricheurs !

Bibliothèque de Genève

La tenue vestimentaire prend de l’importance : elle a une signification sociale, et les Bien nés affichent leur richesse sur  leur personne.

Mais à la tombée du jour, dans l’étroitesse des ruelles tortueuses, sous les encorbellements qui cachent le ciel, naissent des zones d’ombre . L’insécurité urbaine reste un souci pour les autorités. (6)

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En plus de leurs heures, des représentants de chaque métier doivent effectuer leur tour de guet, sauf pour certaines professions et pour quelques individus qui s’arrangent pour soudoyer leur exemption ou payer des remplaçants.

On s’associe, s’entraide et travaille…

La solidarité et l’entraide sont omniprésentes, car les habitants appartiennent à une association caritative, à une confrérie [association pieuse laïque] ou à une corporation professionnelle [7]. Quant aux ordres religieux, ils disposent d’hospices, c’est-à-dire de lieux d’hébergement avec nourriture, pour les gens de passage, pèlerins ou pauvres. Et des hostels-Dieu [8] où ils soignent les malades.

Le travail de nuit est interdit, comme celui des dimanches et des jours fériés, sous peine d’exclusion de la corporation et d’excommunication. Par contre, le chômage n’existe pas.  Lorsqu’un artisan déménage, ses confrères sont tenus de le loger, de le nourrir et de lui fournir un emploi. (9)

Des « communards » du XIe au XIIIe

Au début, la ville reste soumise à l’emprise seigneuriale qui exerce la justice, la police et prélève les taxes. Ce que les bourgeois, c’est-à dire les marchands, artisans et commerçants, finissent par contester. Ils  revendiquent une autonomie juridique et administrative, un allégement des prélèvements, et des libertés. Tout cela écrit  dans une charte de franchise [10] ou une charte communale .

Crédit : archives municipales de Saint-Quentin

Pour l’obtenir, ils peuvent s’allier  avec l’évêque de la ville, et prendre les armes contre  le seigneur. Parfois,  le roi lui même les soutient pour affaiblir le pouvoir des grands feudataires du royaume. Puis, au XIIIe, le mouvement communal s’affaiblit .

… Mais on s’amuse beaucoup

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À la centaine de fêtes religieuses par an, s’ajoutent celle du saint patron de la corporation, quelques fêtes païennes (11), les entrées royales ou princières, les événements familiaux [baptêmes, mariages…].

Au bas Moyen Âge, on se promène, marche et  personne n’hésite plus à se déplacer pour un spectacle. Les artistes  itinérants se produisent de marché en marché, de  foire en foire.. Et même de palais en châteaux. Les jongleurs attirent la foule  avec leurs textes satiriques, grivois, leurs musiques ou leurs pièces.

Bodleian Library
British Library

Dans les lieux de divertissements et de plaisir, les étuves. Endroit de sociabilité où l’on se baigne, discute, mange. Des prostituées y passent… Quant aux tavernes fort fréquentées, on s’y retrouve pour jouer, boire ou comploter [12]

Et qui nettoie les rues ?

Si le pavage des rues commence dans les villes royales au milieu du XIIIe siècle. Mais il n’y a toujours ni égout ni poubelles. Alors, on laisse les cochons-éboueurs déambuler et manger tout ce que l’on jette dans la rue. Mais s’ils provoquent un accident. Ils sont alors jugés et condamnés à mort en place publique.

NOTES

(1) Bourgeois = Dans un premier temps, les habitants d’un bourg sont appelés des bourgeois, le mot est donc affecté à un lieu de résidence. Mais dès le XIIe, cette dénomination désigne un individu, ni noble ni clerc, qui participe à la vie municipale et à l’expansion commerciale. Ce sont les marchands, artisans et commerçants, ceux qui manipulent l’argent. Ces gens acquièrent des privilèges. Au XIVe, les Grands Bourgeois de Paris, de riches marchands influencent la politique et dominent la ville. Le « maire » de Paris n’est autre qu’un marchand, appelé prévôt des marchands. Le plus célèbre a été Étienne Marcel.

(2) Ostel = hôtel particulier, demeure privée des nantis, de l’élite…

(3) voir l’article : les teinturiers, les querelleurs du Moyen Âge

(4) Marchand = métier lié à l’argent, donc méprisé par l’Église. Mais, « Dès la fin du XIIe siècle, le développement des villes et la réhabilitation du travail par l’Église , le marchand semble trouver sa place dans la société ; son utilité est reconnue même si son activité usuraire reste répréhensible… »  Dominer la ville. Prévôts des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350…, Thèse de doctorat, Boris Bove, 2004.

(5) Aux clameurs des marchands sédentaires ou ambulants se mêlent les annonces des  crieurs publics et le bruit des divers outils d’artisans…

[6]  voir l’article : comment lutte-t-on contre l’insécurité urbaine

(7) Corporation = association qui rassemble  les personnes exerçant le même métier. Tous les membres sont soumis à des statuts et à un serment d’entraide [= association « jurée »]. Chaque membre est lié par le serment et tenu sur un pied d’égalité. Les statuts précisent les conditions d’entrée et les règles du métier, la place des maîtres des apprentis. Tout est réglementé. De plus, des membres élus au sein de la corporation passent dans les rues et veillent au respect du règlement.

Dans le nord de la France, de Flandre et d’Italie du Nord, où l’essor urbain est le plus important, on parle d’une hanse ou d’une guilde.

(8) Hostel-dieu = hôpital

(9) D’autres métiers vivent aussi en milieu urbain, comme les avocats, les scribes, les ouvriers qualifiés. Dans oublier les marginaux et dans les grandes villes, la gent universitaire fort bruyante.

(10) Franchise, de franc qui signifie libre. Charte de franchise ou charte de libertés. qui énumère les droits accordés aux communes.  Elle donnera à ces villes nouvelles des noms comme : Villefranche …

Ainsi, disaient certains historiens  : « les citadins d’une ville se gouvernent  en commun », d’où l’appellation de « commune ». certaines ont réussi à faire leurs lois et leur monnaies.

(11) Voir article : 1er mai, jour de vérité

[12] voir l’article : auberges et tavernes cachent leur jeu et le Moyen Âge adore les jeux, surtout les défendus

POUR ALLER PLUS LOIN

Protestatio, un roman  dont l’histoire se déroule à Paris, au XIVe .« Comment vit-on en ville » y trouve des réponses…

— la citadine et la paysanne s’émancipent [par le travail]

— le marchand, un opportun plébiscite

le boucher

le boulanger

 

UNE CONFÉRENCE-DÉBAT SUR CE THÈME SE TIENDRA LE 16 MAI 2023, AU MUSÉE DE L’ARCHERIE À CRÉPY EN VALOIS ( 60)

 

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2 commentaires

  1. Toujours un plaisir de vous lire vos publications si bien documentées. Particulièrement séduit par l’iconographie. Je pensais que l’enluminure se limitait à l’enrichissement de de la typographie. Le détail des portraits me surprend. Merci pour ce travail.

    • C’est effectivement un gros travail, mais avoir des retours comme les vôtres, encouragent à aller encore plus loin. Vous êtes nombreux à vous intéresser aux enluminures. Une publication sur ce thème est prévue.
      Je dois vous avouer que je suis autant émerveillée que vous par le détail de ces peintures. d’ailleurs, les médiévistes se basent dessus, en plus des manuscrits, dans leurs travaux de recherches. Encore merci à vous.

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