Comment s’habille-t-on au bas Moyen Âge ?

Au bas Moyen Âge, une idée osée de jeunes nobles crée une mode. La silhouette change. Un message passe par le vêtement, et la guerre des couleurs commence aux XIV et XVe siècles…

Que représente le vêtement au Moyen Âge ?

crédit BNF

A l’époque médiévale, le vêtement est une sorte de carte d’identité ostentatoire, une marque d’appartenance à une classe dans une société déjà très codifiée. Un attribut d’un personnage autant qu’une réalité matérielle.

Au sein du peuple, il peut aussi dévoiler une fonction ou un travail.

Pendant les dix siècles du Moyen Âge, le « costume » varie selon l’époque, et la région. Mais c’est au XIVe qu’apparaissent la révolution de la vêture et notre notion de « mode ». En effet, on assiste à une transformation de la forme vestimentaire et à un modelage du corps. Une silhouette inhabituelle se révèle.

Crédit : Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne

 

Les jeunes hommes osent, l’Église crie au scandale

Si à la fin du XIe, les hommes adoptent la robe longue, dans la première moitié du XIVe siècle, de jeunes nobles ont une idée, celle d’utiliser le vêtement de dessous comme un vêtement de dessus. Il s’agit du pourpoint qu’ils portaient sous leur armure

Ainsi, loin des champs de bataille, ils déambulent dans les rues, vêtus d’un « costume » court et ajusté à la taille. De cette façon, ils offrent à la vue de tous, les courbes de leur corps, voire de leur sexe, comme racontent certains chroniqueurs de l’époque. L’Église s’offusque, moralise, mais une « mode » naît.

Crédit : BNF

La tenue masculine de la noblesse occidentale devient donc courte et collante au buste, prolongée jusqu’aux cuisses, sans pli à l’épaule, boutonnée ou lacée devant et rembourrée par endroits pour valoriser leurs silhouettes.

Puis, au XVe, un habit plus long concurrencera ce pourpoint.

Les dames aristocrates imposent le volume…

Crédit : Morgan Library

Leur silhouette change également. Elle prend de l’ampleur : selon leur richesse, les femmes superposent entre deux à six vêtements, tout en laissant leur corps visible. Pour cela, elles usent d’astuces, comme les découpes ouvertes, les fentes, les bordures… Puis, elles agrémentent leur tenue par de nombreux accessoires et bijoux.

Cette façon encombrante de s’habiller donnera naissance, entre la fin du XIVe et le début du XVe, aux grandes robes amples, les houppelandes.

Les bourgeois fortunés suivent de près les comportements de la cour, mais les nobles ne le tolèrent pas.

… les bourgeois créent une mode

Crédit : Bibliothèque de Genève

Dans la deuxième moitié du XIVe, en Italie, les riches bourgeois réagissent à l’interdiction de porter du rouge alors, ils portent du noir et lance ainsi la mode de cette couleur.

Pour permettre à la noblesse de se démarquer de cette population, tout en suivant le courant, les teinturiers travaillent et bientôt produisent des noirs plus denses et plus brillants dont la cour va vite s’emparer.

La densité et la brillance de la couleur : une guerre de classes

 

Plus la teinture est intense, plus elle coûte chère. Ainsi les plus aisés se démarquent des autres classes. De plus, vers 1390, ces Bien nés peuvent accéder à des fantaisies, comme des habits bariolés.

Comme la couleur prend une place importante dans la tenue vestimentaire, les teinturiers créent des colorants encore plus denses dans la gamme du rouge et du bleu, réservés à l’aristocratie.

Puis, grâce aux importations de plantes, des coloris originaux apparaissent dans l’habillement, comme le rose porté par les hommes.

Les lois somptuaires

Déjà au XIIIe, Philippe le Bel institue des lois somptuaires pour réprimer l’extravagance des costumes. Mais aux XIV-XVe, les cours princières se livrent encore plus a des dépenses inconsidérables et s’endettent. Les bourgeois qui s’enrichissent de plus en plus les imitent, ce qui est intolérable pour l’aristocratie.

Alors, des édits somptuaires interviennent et limitent cette concurrence faite aux nobles. Et dans de nombreuses villes, des règlements précisent ce que chacun a le droit de porter selon son rang et son statut social. Celui qui enfreint cette loi, le paie cher.

Par exemple, les soies et les fourrures sont réservées à la noblesse.

Le vêtement rural

crédit BNF

L’habit du paysan, en T, en chanvre ou en laine de basse qualité ou en un mélange des deux, est essentiellement utilitaire.

Il semble assez stable dans le temps : pour les hommes, sur une chemise de toile, une tunique de dessus (cotte, bliaud) qui descend jusqu’au genou, des braies, sorte de « culotte » flottante et des chausses. Au XIVe, les chausses montent jusqu’aux hanches des hommes et des lacets ou des aiguillettes les fixent au vêtement couvrant le buste.

Pour les femmes, une tunique longue et des chausses retenues sous le genou par une jarretière. Des accessoires (boucles, fermoirs…) ornementent la tenue des plus aisés.

Ils peuvent ajouter un surcot.

La photo de mode, les enluminures

Comme l’art médiéval accorde une place considérable à la symbolique, il faut garder l’esprit critique sur les témoignages qu’il donne.

Dès la fin du Moyen Âge, les artistes mettent en scène et en valeur l’aristocrate, en jouant (parfois avec excès) sur les couleurs et le volume de l’habillement, donc sur l’importance spatiale que le personnage prend dans l’image. Par rapport à lui, le vêtement étroit aux couleurs désaturées du paysan indique son infériorité et le déprécie.

À noter :  Les tissus, les coiffes et les chaussures feront l’objet d’un autre article

RÉFÉRENCES

Odile Blanc, Parades et parures. L’invention du corps de mode à la fin du Moyen Âge, Gallimard

Michel Pastoureau

Françoise Piponnier, le vêtement : histoire, archéologie, et symbolique vestimentaire au Moyen Âge

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Un commentaire

  1. Merci beaucoup de partager tout ce travail.
    J’attends avec beaucoup d’impatience la parution de vos articles

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