De la cloche parlante à l’horloge mécanique du moyen âge

La braillarde, la poissarde, la couvre-feu… les cloches sont des personnages dans la communauté médiévale. Laïques ou ecclésiastiques, elles transmettent un message que tous comprennent… et le sonneur bondit au tintement d’un « réveil » pour sonner mâtines…

La cloche, un idiophone

Les Romains l’utilisent déjà pour annoncer l’ouverture et la fermeture des marchés ou des bains. Puis, dans les siècles suivants, les hommes ont travaillé sur la matière, la forme et la taille de l’objet. Ils ont développé les qualités sonores, les harmoniques de cet instrument de musique, appelé aujourd’hui idiophone (1). Et comme les cloches ne chantent pas toutes la même note, un langage musical naît.

Des villages à portée de cloche

Invasions, attaques, feu ! Vite ! Alerte ! La cloche s’ébranle, la nouvelle se transmet d’église en église. Car tout aurait été pensé lors du développement de la chrétienté : les moines auraient construit les sanctuaires à portée de cloche. Ainsi l’information passe de l’une à l’autre. Et pour plus d’efficacité, ils les aurait suspendues bien haut, dans le clocher, et non plus aux branches d’un arbre.

Les premières horloges « parlantes »

L’annonce des heures canoniales devient obligatoire à partir de l’an 801. Alors, la vie sociale se cale dessus : par exemple, on commence le travail à prime, les sœurs servent le repas de leurs malades à none…

La cloche clame les offices religieux, mais aussi les événements heureux ou tristes de la communauté : baptêmes, mariages, décès. sans oublier les alertes et le couvre-feu.

 

Des objets de communication

À partir du IXe, chaque église doit posséder au moins deux cloches. Avec en plus,  une « spéciale tocsin », appelée parfois, la braillarde.

En jouant sur la sonorité, la modalité et le rythme de frappe, les sonneurs composent alors  les messages, et surtout ceux de la cité. Par exemple, l’ouverture et la fermeture des portes de la ville, du marché, des bains… les événements civils comme la convocation du Conseil, un rassemblement, une proclamation, un jugement… Et toute la communauté entend et comprend le sens de chaque annonce.

La cloche et la météo

Un orage approche… Aussitôt une sonnerie particulière retentit, histoire de le chasser et de prévenir les paysans de réagir vite et au mieux pour protéger leurs récoltes.
Puis, cette pratique a été interdite par un arrêt du parlement en 1787 : en jour d’orage, le sonneur qui tient la corde humide de la cloche risque de mourir foudroyé.

La poissarde et la cloche des juifs

Comme les cloches rythment le temps de travail, certaines sont devenues spécifiques à des corps de métier. Ainsi, depuis 1349, la cathédrale de Beauvais abrite « la poissarde », la cloche à poisson qui indique l’ouverture et la fermeture du marché aux poissons.

À la fin du IXe, le roi anglais ordonne une sonnerie d’Église chaque soir à huit heures, pour inviter la population à « couvrir le feu » et à se coucher. Idée reprise par d’autres pour minimiser les risques d’incendies, d’accidents à la sortie des tavernes… Ces cloches portent parfois un nom comme « couvre-feu » ou à Strasbourg, « cloche des juifs », car c’était l’heure pour ces gens de quitter la ville, et ce, jusqu’à la révolution.

Le « réveil » du sonneur

Si les Égyptiens utilisent la clepsydre, une horloge à eau, vers 1400 avant J-C, en occident, au XIIe siècle, on invente un mécanisme d’écoulement à eau couplé à une cloche actionnée par différents rouages. C’est le « réveil » du sonneur qui lui permet de sonner matines.

Miniature d’une Bible Moralisée de ca. 1250 [I0011], Illustre la guérison du Roi Ezéchias (2R 20,1-11 et Is 38, 1-8),

L’horloge publique et les premiers jaquemarts

Puis, entre 1270 et 1320, le système hydraulique du réveil cède sa place à une horloge entièrement mécanique qui déclenche la sonnerie d’une cloche par l’intermédiaire d’un marteau. Dès 1330, une horloge civile indique les heures, voire les demi-heures par un nombre de coups frappés.

Crédit : Henri Suso, Horloge de sapience, Bibliothèque royale de Belgique, ms. IV 111, f. 13v © Bibliothèque royale de Belgique

Àu XIVe, on passe donc d’une division ecclésiastique du temps à une division laïque du temps. À cette même époque apparaissent les premiers jaquemarts.

Vers 1370, Charles V règle le tintement horaire de ces horloges publiques. Mais pour la population, l’usage de la cloche d’église reste encore leur repère.

 

RQ: L’ enluminure ci-dessus est issue d’un manuscrit, l’Horologium Sapientiae, écrit vers 1334 par le moine dominicain Heinrich Seuse (Henri Suso). Il s’agit d’un traité de morale : la Sagesse

 

NOTES

(1) la cloche, comme le xylophone, le triangle ou les castagnettes, est un idiophone, c’est-à-dire un instrument de musique auto résonnant. Un coup de battant ou de marteau suffit pour déclencher la vibration sonore sans qu’il soit nécessaire d’ajouter des cordes ou une membrane… La durée de vibration dépend de la taille, de la forme et de la composition de la cloche.

SOURCES :

Thèses de Gerard Dohrn-van Rossum et de Thierry Gonon
Articles de la société française de la campanologie

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